Le Gouvernement du Québec annonçait en 2021 la mise en place d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, suite aux recommandations de Rebâtir la confiance.
Les projets pilote sont toujours en cours et sont à l’étape de l’arrimage entre régions. Des comités régionaux d’arrimage sont établis afin que la table nationale de concertation sur le tribunal spécialisé (sur laquelle le Regroupement québécois des CALACS siège), puissent évaluer les différences entre régions, les bons coups et les difficultés rencontrées.
D’ici 2026, le gouvernement souhaite la mise en place d’un tribunal permanent dans toutes les régions, dont Charlevoix en fera partie.
Accéder à l’entrevue réalisée par Geneviève Boily, responsable de l’intervention au CALACS
Le CALACS de Charlevoix salue la réponse gouvernementale aux recommandations du Rapport Rebâtir la confiance
Si la réalisation prend en compte les réels besoins des victimes « d’être informées, accompagnées, rassurées, protégées », nous pouvons espérer un passage dans le système plus humain, pour les victimes.
On perçoit déjà de nombreux avantages dans l’implantation d’une approche plus humaine dans notre système judiciaire:
- d’avoir un seul procureur désigné pour l’ensemble du processus permet d’éviter la victimisation secondaire en racontant plusieurs fois son histoire traumatique
- de diminuer les délais de prise en charge des dossiers en violence conjugale et agression sexuelle par les procureurs
- d’améliorer la connaissance de tous les acteurs sociojudiciaires impliqués par de la formation continue, sur les réalités vécues par les victimes et les impacts des violences subies dans leur vie
- l’aménagement des lieux physiques, qui permettrait une entrée plus facile pour les victimes, ainsi que des zones protégées où il n’y aurait aucun contact avec l’agresseur.
Par contre, il est encore tôt à ce stade pour voir les fruits de ce qui a été mis en place et les retombées positives.
Défis rencontrés
Les défis rencontrés actuellement, quant à eux, restent nombreux pour la sécurité des victimes:
- L’aménagement des lieux physiques dans Charlevoix peut causer certaines difficultés d’implantation. En région, on se connait tous et toutes, cela peut devenir compliqué d’assurer la sécurité absolue;
- Étant donné que dans Charlevoix, procureurs et avocats viennent parfois de Québec, on se demande s’ils seront en mesure d’assurer qu’une seule personne soit désignée au dossier tout au long du processus judiciaire;
- Pour ce qui est de la formation continue des acteurs sociojudiciaires: il est déjà nommé qu’il est difficile de donner la formation aux juges, particulièrement à ceux et celles qui y sont depuis de nombreuses années. Les pratiques sont très ancrées, ils et elles fonctionnent d’une certaine manière depuis longtemps; le changement de mentalité se fait difficilement avec une formation de 2 heures sur de nouvelles procédures et changements des pratiques;
- Le roulement de personnel nuit également à la formation continue dans les CAVAC et autres organismes œuvrant en violence sexuelle et conjugale.
Investir dans la prévention et la sensibilisation
Bien que le gouvernement ait injecté beaucoup d’argent pour financer le tribunal spécialisé, pour qu’une victime reprenne confiance dans le système de justice, ça prend aussi du financement en amont dans la prévention et la sensibilisation, pour donner des moyens aux ressources terrain. Il n’est pas souhaitable de financer uniquement l’aspect judiciaire des violences sexuelles au détriment de l’aspect sensibilisation et prévention.
En effet, sur le terrain, on observe encore beaucoup d’obstacles au dévoilement qui viennent freiner les victimes à porter plainte, en dehors du système de justice lui même (ex: la crainte de subir des représailles, de ne pas être crues, craintes d’être exclues de leur communauté, les préjugés constants auxquelles elles sont confrontées, par les proches ou sur les réseaux sociaux, etc. ).
Il est donc primordial de travailler aussi en sensibilisation afin de contre carrer les mythes et préjugés autour des agressions sexuelles et des impacts des violences subies dans leur vie, avant même qu’une démarche de dénonciation soit envisagée pour les victimes.